Pensée stratégique vs planification stratégique, une réflexion de Bernadette Petitpas

Photo de Matthew Ansley

La planification stratégique est un concept bien connu. Il a eu ses heures de gloire, bien sûr. Il a aussi démontré ses faiblesses. Qui n’a pas entendu parler de de ces retraites fermées de la direction dont émanaient des objectifs partagés en grande pompe, ou pas vraiment… ou de ces volumineux rapports proposés par des consultants bien en vue que l’organisation n’arrivait pas à traduire en actions ou encore, ainsi que le soulignait mon associée Anne-Laure Marcadet, de ces plans qui ressemblaient plutôt à une lettre au Père Noël, et dont on peinait à réaliser le quart du commencement de la moitié…

Et puis il fut un temps ou les plans s’étalaient sur 10 ans, puis sur cinq, sur trois et finalement 18 à 24 mois, parce que les choses changent de plus en plus vite, parce que l’anticipation est trop souvent un art de haute voltige. Pourtant, il faut bien arriver à mettre le cap sur quelque chose, pour diriger l’action, pour aligner les efforts, et tout ça pour « réussir », pour croître ou du moins s’avérer pérenne.

C’est ici qu’intervient la notion de pensée stratégique, qui depuis une vingtaine d’année prend de plus en plus d’importance. Parmi ses avantages notons le fait que cette réflexion est distribuée dans le temps, puis qu’elle n’est pas associée à LA séance de planification, et distribuée dans l’action en ce sens qu’elle implique davantage de participants que la seule équipe de direction.

En effet on cherche à prendre de la hauteur, de ce recul qui permet de voir la forêt plus que les arbres, de voir les tendances, les évolutions, même si parfois elles ne mettent pas en lumière certains éléments essentiels. Comme dans les processus classiques, l’on regardera vers l’arrière, pour mieux comprendre nos apprentissages, nos forces, nos faiblesses, nos potentiels. On creusera les enjeux, les coins d’ombre, plutôt que de ne s’attarder qu’à ce qui nous semble facile d’accès, ou « évident’. On regardera vers l’avant. Après tout c’est l’objet même d’une planification.

On portera aussi un regard plus large, sur l’organisation, sur ses écosystèmes, et l’intégration de ces perspectives permettra d’intégrer dans la réflexion le court et le long terme, et puis la réalité, même lorsque certains aspects nous plaisent moins. Et dans cette façon d’appréhender globalement, l’on laissera de la place à l’observation et à l’analyse des faits et des interrelations et dépendances autant qu’à l’intuition.

Et il ne faudrait pas oublier d’ensuite oser rêver plus loin, imaginer autrement, et organiser la réalisation. Car pour paraphraser Henry Mintzberg, la dernière partie de la réflexion stratégique c’est l’action[1]. Et dans cette recherche d’innovation, il n’est pas nécessaire de viser des innovations de rupture. La créativité peut s’exercer à une échelle plus pratique, accessible à un plus grand nombre.

Cette façon d’aborder la réflexion stratégique peut donc être partagée et appliquée à tous les niveaux de l’organisation. C’est d’ailleurs un des éléments qui favoriseront l’alignement des différents décisions prises par la suite, et donc l’efficacité globale autant que l’émergence de boucles de rétroaction si indispensables à l’agilité.



[1] https://www.managemagazine.com/article-bank/strategic-management-article-bank/henry-mintzberg-strategic-thinking-seeing/?msclkid=570794f7a3c111ec968088c7f2c167e0


Autre source de réflexion sur la différence entre pensée stratégique et plan stratégique : https://hbr.org/1994/01/the-fall-and-rise-of-strategic-planning?utm_source=pocket_mylist

Bernadette Petitpas