La presque fable de la cigale et de la fourmi,ou comment penser la pérennité de votre organisation en devenant un dirigeant fourgale, un article d'Anne-Laure Marcadet

Qui ne connaît pas la morale de la célèbre fable de La Fontaine? Qui ne sait pas que seul le travail compte et qu’il n’y a pas de place pour le plaisir? Que l’insouciance nous met en danger et qu’il faut tout le temps prévoir l’avenir et s’organiser?

Pendant de nombreuses années, voire des décennies, les entreprises ont préféré les fourmis : travailleuses, prévoyantes, dévouées à leur colonie toute leur vie. Chacune des fourmis a une fonction bien spécifique dans la hiérarchie. Selon ce modèle, la fourmi est une ressource bien utile, docile et interchangeable.

(Vous trouverez à la fin de cet article une version revisitée de la fable de la Cigale et la Fourmi)

Photo by Markus Winkle

Photo by Markus Winkle

Or depuis quelques années maintenant, nous observons une nouvelle tendance dans les organisations. Les fourmis ne veulent plus nécessairement rester toute leur vie au même endroit, leurs aspirations professionnelles ont changé, cédant place à des visées plus personnelles comme la réalisation de soi. Bien préparer sa retraite n’est plus l’objectif de toute une vie.

Bref, certaines fourmis aimeraient quitter la fourmilière pour aller découvrir d’autres horizons, rompant ainsi avec la tradition de perfection apparente. Et celles qui restent souhaitent plus de considération et de reconnaissance, pouvoir participer aux décisions importantes de la colonie et tout simplement profiter, comme leurs amies les cigales, de la vie, sans attendre le moment de la retraite.

Nombre de dirigeants et de gestionnaires se sont trouvés fort dépourvus lorsque ces nouvelles revendications sont venues.

Car en faisant des recherches plus approfondies, ils se sont vite rendu compte que vivre uniquement comme des cigales ne permettait pas d’assurer la survie de la colonie.

Alors que faire? Comment assurer la survie de son organisation tout en tenant compte des aspirations des employés? En repensant à son modèle d’affaires qui permettrait de garder le meilleur de la cigale et de la fourmi : en visant la rentabilité tout en prenant soin de toutes les parties prenantes.

À quoi ressemblerait alors notre fourmi-cigale, ou plutôt notre fourgale? Elle viserait l’impact et la pérennité, en misant sur l’intégration des différents modèles de pensée et surtout en croyant qu’il est possible de concilier impératifs financiers et humains.

Lorsqu’on décide d’être une fourgale, au niveau professionnel et personnel, le dilemme que représente le choix entre le financier et l’humain, entre le raisonnable et le plaisir, entre la prévoyance et l’improvisation, entre le futur et le présent s’estompe.


Alors qu’est-ce qu’un dirigeant fourgale, qui applique une approche plus globale et intégrée, ferait de différent?

  • Il serait capable de penser plus haut, de prendre de la hauteur pour donner du sens et aligner ses équipes en créant une vision claire et partagée; qui intègre les aspects financiers et humains dans ses indicateurs de succès et sort de la micro-gestion.

  • Il saurait voir plus large, et serait capable de susciter la collaboration et de diminuer les silos, agissant non seulement pour son organisation, mais également pour l’ensemble de son écosystème.

  • Ce serait enfin une personne qui saura rêver plus loin, innover et s’adapter, qui est attentive à la réalité actuelle tout en gardant un œil sur les tendances émergentes, qui prépare son organisation à gérer l’inconnu et la complexité.


Pour y arriver, ce dirigeant, ou ce gestionnaire, peut se poser quelques questions :

  • Suis-je capable de mettre en mots simples et fédérateurs la vision qui est dans ma tête?

  • Suis-je prêt à accepter que d’autres contribuent à cette vision pour qu’elle devienne celle de toute mon organisation et pas seulement la mienne?

  • Suis-je prêt à voir autrement les talents de mes employés, en dehors de leur description de poste et de leur niveau dans la hiérarchie?

  • Comment prendre en compte les besoins de l’ensemble des parties prenantes, y compris celles de ma communauté?

  • La culture de mon entreprise laisse-t-elle de la place à l’innovation et au potentiel créatif?


Fable de la Cigale et la Fourmi revisitée :


La fourgale, ayant contribué au succès de son entreprise une bonne partie de la journée,
Ne se trouva pas fort dépourvue
Quand la fin de journée fut venue

Elle alla crier son bonheur
Chez la Cigale sa consœur
Sans un seul petit regret,
Remplie de reconnaissance et de fierté.

Selon les dernières nouvelles,
« Nos clients, nos employés et nos actionnaires sont satisfaits, lui dit-elle.
C’est excellent, foi de fourgale,
Nous avons atteint nos objectifs, c’est le principal. »

La Cigale est curieuse :
Ce n’est pas là son défaut.
« Que faites-vous pour atteindre des sommets à tous les niveaux?
Dit-elle à cette fourgale tout heureuse.

— Jour après jour à tout venant
Je vise l’impact, ne vous déplaise.
— Vous ne visez pas seulement la rentabilité financière? J’en suis fort aise.
Eh bien! Pensons autrement maintenant. »

Anne-Laure Marcadet