Gestion des équipes à distance : passer du contrôle à la confiance, article écrit par Anne-Laure Marcadet

Photo by Charles Deluvio

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Gestion des équipes à distance : passer du contrôle à la confiance

INTRODUCTION

Un an après le passage obligé au télétravail, de nombreuses organisations se questionnent sur la suite. Certaines ont décidé de poursuivre à 100 % en télétravail, d’autres optent pour une alternance entre la présence au bureau et la maison, tandis que certaines professions n’ont pas le choix de revenir uniquement en présentiel.

Bien qu’il soit très apprécié par les travailleurs, certains dirigeants ne sont toujours pas convaincus des bienfaits du télétravail. Un sondage mené par Léger pour le compte de la Chambre de commerce et d’industrie de Québec (CCIQ)[1], réalisé du 30 juin au 19 juillet 2020 auprès d’un échantillon représentatif d’employeurs privés comptant 10 employés et plus, indique en effet que 93 % des employeurs souhaitent faire revenir les employés au bureau, notamment parce qu’ils pensent qu’il n’y a aucun gain au niveau de la productivité.

Pourquoi le travail au bureau a-t-il autant la cote auprès des dirigeants et des gestionnaires ? Parce qu’il est perçu comme permettant un meilleur contrôle des employés, notamment sur le plan du temps de travail réel de chacun et du suivi des activités. C’est en effet une préoccupation légitime que de savoir si les employés que nous payons le sont à réellement travailler, ou si le travail est équitablement réparti entre les membres de l’équipe.

Préoccupation légitime certes, mais vraiment si efficace que cela ? En effet, l’ajout de mécanismes de contrôle a aussi des conséquences négatives non négligeables comme une mauvaise utilisation du temps du gestionnaire, qui passe plus de temps à contrôler qu’à donner du sens à ses équipes, ou encore une culture de travail basée sur la peur, qui n’est pas connue pour susciter la prise d’initiatives et l’innovation dans les équipes.

I– PERMETTEZ-NOUS DONC DE VOUS SOUMETTRE UNE PERSPECTIVE DIFFÉRENTE

Et si, au lieu de contrôler le temps de travail, on contrôlait plutôt les résultats atteints, peu importe le temps consacré tant que les livrables sont rendus dans les temps ?

Et si on faisait plus confiance aux employés pour s’organiser et prendre les bonnes décisions pour l’organisation ?

La confiance est reconnue comme un des facteurs clés de succès dans le travail d’équipe par de nombreuses études. Elles ont démontré l’impact de la confiance sur l’engagement, l’autonomie et la performance.

Paul J. Zak[2], directeur fondateur du Center for Neuroeconomics Studies et professeur d’économie, de psychologie et de management à la Claremont Graduate University, a démontré, à travers ses études, que miser sur la confiance diminuait le stress de 74 %, augmentait l’engagement de 76 % et la productivité de 50 %.

Pourquoi miser sur la confiance plutôt que sur le contrôle dans vos équipes ? Parce qu’en étant plus autonomes, vos employés sont plus proactifs. Et qui dit proactivité dit initiative, dit capacité à proposer des idées, à créer de nouvelles manières de faire, voire de nouveaux produits ou services. En d’autres termes : la confiance est bonne pour la capacité à s’adapter, à innover et, donc, à performer.

Patrick Lencioni, dans son livre Optimisez votre équipe[3], fait d’ailleurs de la confiance la base de la performance en équipe.

Et en ces temps de COVID où tout change vite, les organisations qui veulent encore être présentes dans quelques années ne peuvent pas passer à côté de cette nouvelle façon de faire.

II– ALORS POURQUOI EST-IL SI DIFFICILE DE FAIRE CONFIANCE ?

Premièrement, parce que cela remet en cause le rôle traditionnel du gestionnaire, de celui qui sait, qui a plus de responsabilités et qui décide seul, tendance qui peut être renforcée en ces temps d’incertitude.

Deuxièmement, parce que cela ne se décrète pas du jour au lendemain. Cela doit se faire dans une démarche structurée à plusieurs niveaux :

  • de son leadership et de la culture de son équipe,

  • des habiletés et du savoir-être de chacun (l’autonomie ne se décrète pas, elle se développe),

  • des outils de suivi mis à la disposition des employés.

Car faire confiance ne signifie pas que les employés n’ont aucun cadre. Au contraire, ils deviennent désormais responsables au niveau individuel et collectif de différents livrables. C’est ce que nous appelons la confiance balisée.

III– PASSER DU CONTRÔLE À LA CONFIANCE BALISÉE

Nous vous proposons donc de vous poser quelques questions pour passer du contrôle strict à la confiance balisée :

  • Quel est le rôle et le type de leadership que je souhaite désormais avoir comme dirigeant, comme gestionnaire ?

  • Qu’est-ce que je dois accepter de laisser-aller ? Et qu’est-ce que je vais y gagner ?

  • Comment évaluer le niveau d’autonomie de chacun de mes employés pour m’assurer qu’ils sont prêts ?

  • Considérant où en est chaque membre de l’équipe, de quoi ai-je besoin pour me sentir en confiance avec eux ? Inversement, comment créer un environnement de travail sain et ouvert où chacun se sentira libre d’essayer, de partager et, donc, de créer ?

  • Quel est le carré de sable dans lequel mes employés peuvent jouer ? Quelles sont les conditions gagnantes, les limites ?

Si la crise actuelle a forcé une adaptation à la vitesse grand V, rien n’empêche les organisations de se poser les bonnes questions pour distinguer ce qui fonctionne bien de et ce qui doit désormais être modifié.

IV– ÉTAPES ET OUTILS POUR Y ARRIVER

Voici donc quelques outils pour y voir plus clair sur les premières étapes à suivre :

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1re étape : de quoi ai-je besoin pour faire confiance aux autres ?

Nous utilisons le cadran de la confiance qui permet de mettre rapidement des mots sur le confort et l’inconfort que l’on peut ressentir avec certaines personnes quand vient le temps d’accorder ou non sa confiance.

Une fois identifié l’élément dont vous avez besoin pour faire confiance à tel employé, mettez en place un plan d’action ou des objectifs de travail pour, par exemple, renforcer la capacité à respecter les échéances fixées.

2e étape : quel est le niveau de maturité de mon équipe ?

Il existe différents modèles d’analyse tous aussi valables les uns que les autres. Quelques comportements clés vous permettent de savoir si votre équipe de travail est prête :

  • L’information circule-t-elle librement ou y a-t-il une tendance à retenir l’information ?

  • Vos employés blâment-ils les autres pour leurs erreurs ou prônent-ils une culture de l’apprentissage ?

  • Vos employés sont-ils en compétition les uns avec les autres ou au contraire collaborent-ils facilement sur les projets ?

3e étape : comment communiquer une vision et des objectifs clairs ?

Le Golden Circle de Simon Sinek est un excellent outil pour aligner les équipes en précisant pourquoi les équipes doivent travailler (l’impact souhaité pour les clients), comment elles doivent le faire et ce qu’elles doivent faire.

Il est aussi possible de revenir à la base en énonçant des objectifs SMART.

4e étape : quels sont les outils de travail à la disposition de mes équipes pour faire le suivi des livrables ?

Il existe de nombreux outils virtuels à la disposition des équipes, comme Trello ou Planner de Microsoft. Basés sur le modèle de Kanban, ils sont excellents pour organiser et suivre le travail à distance.

CONCLUSION

Gérer par la confiance ne signifie pas donner carte blanche et croiser les doigts en espérant que tout marche bien. C’est mettre en place une démarche solide et structurée, tout en changeant le regard que l’on porte sur son leadership et la manière de gérer les équipes.



[1] https://cciquebec.ca/imports/medias/la-chambre/communiques/rapportleger-etudeteletravail-2020.pdf.

[2] https://www.hbrfrance.fr/magazine/2017/07/16147-neurosciences-de-confiance/.

[3] Patrick LENCIONI, Optimisez votre équipe, Brossard, Un monde différent, 2005.


Anne-Laure Marcadet