Gouvernance des OSBL : renforcer la capacité des administrateurs à décider de manière stratégique, un article d'Anne-Laure Marcadet

Quelle direction d’organisme sans but lucratif (OSBL) n’a pas été confrontée, à un moment ou à un autre, à de l’ingérence dans les opérations ou à de la micro-gestion de la part d’un conseil d’administration (CA)?

Photo de Félix Mittermeier

Photo de Félix Mittermeier

Certes l’empêchement temporaire de la direction générale peut être une mesure temporaire à très court terme qui nécessite une plus grande implication sur le terrain des administrateurs.

Plusieurs avanceront également le fait qu’en raison du manque de ressources humaines dans ces organisations, et nous ne débattrons pas ici de la nécessité ou non d’augmenter le financement de base de ces OSBL, les administrateurs ont aussi vocation à amener une expertise manquante (ex : ressources humaines, finances et comptabilité, juridique…).

Cette tendance entraîne pourtant une dérive majeure concernant le rôle stratégique que devrait jouer le conseil d’administration d’un OSBL.

C’est effectivement la fonction même d’un conseil d’administration de piloter de manière stratégique l’organisation. Dans leur livre, Améliorez la gouvernance de votre OSBL, Daniel Lapointe et Jean-Paul Gagné ont en effet donné la définition suivante : « la gouvernance est un système de pilotage stratégique et de surveillance effective de la gestion d’une organisation par un conseil d’administration, qui engage la responsabilité et la loyauté des administrateurs. »

Si la surveillance effective est fondamentale pour s’assurer d’un juste équilibre des pouvoirs au sein des OSBL, les administrateurs doivent toutefois se retenir de vouloir gérer à la place de la direction ou de la coordination générale.

Comment permettre alors au conseil d’administration de jouer pleinement son rôle stratégique? Car malgré les nombreux guides et bonnes pratiques qui traitent de la gouvernance des OSBL, de nombreuses directions générales, membres ou administrateurs restent insatisfaits de ce qui se passe dans leur organisme à ce sujet.

En effet, gérer de manière stratégique ne se résume pas à écrire un plan stratégique tous les 3 ou 5 ans, ou à organiser une retraite annuelle pour définir les orientations de l’année.

Pour que ces exercices aient l’impact souhaité pour guider et rassembler tout le monde, et pour que l’organisme reste à l’affût des opportunités dans son environnement ou soit capable de répondre adéquatement aux besoins de ses membres, la stratégie doit être présente à chacune des rencontres du conseil d’administration, lors des décisions qui engagent l’avenir de l’organisme.

 

Pour cela, plusieurs éléments importants sont à considérer :

  • La capacité de l’organisme à identifier, collecter et analyser les informations nécessaires à la prise de décisions

  • Le type d’informations qui sont portées à la connaissance du CA

  • Les mécanismes de consultation des employés, des membres, et la manière dont ils contribuent à la prise de décisions

  • La capacité individuelle des administrateurs et de la direction générale à penser stratégiquement

Ce dernier point n’est que très rarement considéré lorsqu’il s’agit de recruter un nouvel administrateur ou de nommer le(la) président(e) du CA, alors qu’il est identifié comme un élément fondamental dans les éléments à considérer lors des recrutements.

Pourtant, dans la majorité des guides concernant la gouvernance des OSBL, il est mentionné comme postulat que les administrateurs doivent détenir des habilités de communication interpersonnelles développées ainsi que la capacité à penser de manière stratégique.

Alors comment évaluer cette fameuse capacité à penser de manière stratégique, en complémentarité avec les autres attentes qui font un bon candidat, dans un contexte où il peut être tentant de recruter tout volontaire qui a du temps à consacrer à notre cause?

 

COMMENT ÉVALUER LA CAPACITÉ À PENSER DE MANIÈRE STRATÉGIQUE?

Voici quelques éléments qui témoignent d’une pensée stratégique. Les administrateurs(trices) :

  • Ont mis en place des mécanismes qui leur permettent de se tenir régulièrement informés de ce qui se passe dans leur environnement (ex : besoins des membres/clients, nouvelles approches ou outils…)

  • Sont capables de reformuler un problème sous plusieurs angles, pour en comprendre tous les tenants et aboutissants, et recherchent à ce titre plusieurs points de vue

  • Sont naturellement curieux et ouverts aux idées des autres, ainsi qu’à changer leur propre manière de faire si cela est nécessaire

  • Avant de prendre une décision, utilisent des outils d’analyse qui leur permettent de gérer les conséquences à court-terme tout en tenant compte du long-terme

  • Savent quand et comment impliquer les équipes et les membres dans les décisions

  • Savent comment formuler une vision inspirante et aligner l’ensemble des parties prenantes

  • Maîtrisent les composantes d’une culture de travail qui favorise l’apprentissage et l’innovation

  • Et surtout, ont mis en place un processus et des outils qui leur permet d’évaluer régulièrement les compétences des administrateurs

 

En conclusion, malgré la quantité d’informations sur les règles de saine gouvernance et le fait qu’il existe de nombreux indices permettant d’analyer la pensée stratégique au sein de certains conseils d’administration, on a toutefois tendance à prendre pour acquis les compétences en la matière chez les administrateurs actuels ou potentiels.

Bien sûr les compétences plus techniques apportées par les bénévoles et administrateurs sont précieuses et appréciées des organisations qui en bénéficient. Mais des mécanismes rigoureux devraient être mis en place pour s’assurer que les administrateurs savent aussi garder un oeil sur le long terme.

En complémentarité, il nous apparaît également important de mieux expliciter et communiquer les compétences stratégiques que devraient maîtriser les administrateurs, et de se doter d’outils ou d’indicateurs permettant de les évaluer dans le cadre des processus de mise en candidature ou de l’évaluation annuelle. Et bonne nouvelle : cette pensée stratégique peut se travailler et se développer.

Ainsi tous seraient gagnants, incluant les membres et tous ceux et celles qui bénéficient de l’appui de nos organismes, ô combien importants.

Anne-Laure Marcadet