Miser sur le bien-être des employés pour un retour réussi au bureau (partie 2), par Anne-Laure Marcadet

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Dans la première partie de cette réflexion, il a été question de revisiter le concept de bien-être au travail une fois que la pandémie sera dernière nous. Anne-Laure en a présenté les 12 composantes et expliqué pourquoi ce concept était particulièrement important lorsque l’on aborde la question du retour au bureau.

Dans cette seconde partie, Anne-Laure abordera la conciliation des aspirations personnelles des employés avec les enjeux d’affaires et passera en revue les principales composantes pour voir ce qu’il est concrètement possible de mettre en place afin de favoriser une belle qualité de vie au travail, dans un contexte de retour progressif au bureau.

INTRODUCTION

Vous l’avez peut-être constaté dans votre propre vie : même si les différents confinements ont pu mettre notre santé et notre patience à rude épreuve, il en est ressorti que nous sommes moins enclins à mettre de côté une certaine qualité de vie personnelle, amicale, professionnelle.

Les conséquences potentiellement traumatiques de la pandémie ont pu, et pourront encore, se faire sentir sur le moral et la santé psychologique des équipes (voir l’article de l’auteure[1]). Pour permettre un retour apaisé au travail, il ne suffira pas de retomber dans ses anciennes habitudes, d’autant plus que le mode hybride amènera aussi son lot de questionnements.

Un défi commence à émerger : comment inventer de nouveaux modes de conciliation entre les attentes et aspirations personnelles concernant la qualité de vie et les besoins organisationnels ou relatifs au travail en équipe ?

I– Concilier attentes personnelles et besoins organisationnels

Avec la difficulté actuelle de recruter des employés qualifiés dans certains domaines, il pourrait être tentant de satisfaire l’ensemble des exigences des candidats. Prenons l’exemple très actuel du télétravail.

Un ami, chef d’entreprise dans le domaine des TI, me confiait d’ailleurs la réalité suivante : trois de ses collaborateurs ont décidé d’eux-mêmes de s’installer définitivement dans d’autres provinces du Canada alors que le lieu de travail est à Montréal. Sa réaction : qu’est-ce que je peux vraiment y faire ? Pour son domaine de travail, comme le développeur n’a pas autant besoin de travailler en équipe ou d’être avec le client que d’autres catégories d’emplois, le choix paraît tout à fait compatible avec le modèle d’affaires.

Mais qu’en est-il dans d’autres domaines où le télétravail n’est pas optimal, comme dans les établissements d’enseignement où il faut être proche du terrain ?

Certains modèles intéressants permettent d’aborder en toute transparence avec les collaborateurs les postes et tâches qui se prêteraient plus facilement au télétravail et à une plus grande flexibilité dans les horaires. Ils mettent également de l’avant les intérêts des clients et de l’organisation, ainsi que les impératifs liés au travail d’équipe pour justifier les choix[2].

Ainsi, lorsqu’il s’agit de servir des clients ou de renforcer la synergie d’équipe le travail devra être effectué dans les bureaux de l’entreprise. Et lorsque les activités nécessiteront de produire et de se coordonner (ce qui est bien souvent le cas pour les développeurs informatiques), le télétravail sera une option tout à fait pertinente.

Et que faire des catégories de postes qui sont complètement exclues du télétravail (ex. : les travailleurs de la santé) et où les conditions de travail sont également difficiles (ex. : horaires décalés, charge émotionnelle ou physique importante) ?

C’est dans ces situations qu’il sera particulièrement important de miser sur les autres composantes du bien-être au travail.

II– Au quotidien

Si la conciliation travail-famille est une attente tout à fait légitime, le recours au télétravail ou la flexibilité des horaires sont parfois limités ou très encadrés. Dans ces circonstances, comment miser sur les autres composantes du bien-être au travail ?

Dans notre précédent article, nous vous avons présenté le modèle de la Fabrique Spinoza qui est le résultat de leur travail d’analyse en profondeur sur les éléments qui influent sur le bien-être des employés. Voici quelques pistes de réflexion pour renforcer la motivation de vos employés.

A. Adaptez votre style de gestion et votre mode de gouvernance

Avant même la pandémie, les styles très directifs et peu participatifs ne permettaient pas, à moyen et à long termes, de maintenir un fort taux d’engagement. Le temps du dirigeant qui pense tout savoir et qui décide seul est révolu. Quelle que soit leur génération, les employés s’attendent désormais à une prise de décision partagée, où ils ne sont pas seulement mis devant le fait accompli, mais impliqués à différents moments.

B. Misez sur des relations de qualité

Après un an et demi de confinements et de réouvertures, les relations au sein de votre équipe et avec les autres parties prenantes ont pu se distendre. Certains nouveaux employés n’ont connu qu’une arrivée en mode virtuel, ce qui a rendu plus difficile la création de liens. Or, avoir des relations de qualité avec ses collègues et son gestionnaire est un élément clé d’une bonne qualité de vie au travail. Vous vous demandez comment vous y prendre ? Pourquoi ne pas mettre un peu plus de propinquité[4] dans votre quotidien au travail ?

La propinquité est ce qui permet de créer un lien et donc un sentiment d’appartenance entre des personnes. Trois éléments en favorisent la création :

  • La proximité : si vous ne pouvez pas assurer physiquement une trop grande proximité, vous pouvez la recréer virtuellement via un espace commun partagé tel que Teams ou Slack.

  • La fréquence : assurez-vous de provoquer des moments, formels ou non, où les membres de votre équipe seront en relation les uns avec les autres.

  • L’affinité : plus les personnes se découvrent des points communs, plus les affinités se créent. En instaurant des moments informels où les membres de votre équipe apprennent à mieux se connaître, vous leur permettrez de découvrir des affinités qui pourront se transformer en confiance et en liens durables.

 C. Interrogez-vous sur votre façon de valoriser le travail et de déterminer les salaires

Un constat m’a frappée pendant la pandémie : les emplois reconnus comme essentiels (ex. : personnel de santé, agents effectuant le ménage et le nettoyage, vendeurs dans les épiceries) font aussi partie des emplois les moins bien payés. Pourquoi en est-il ainsi ?

Nous avons encore tendance à considérer que les personnes qui occupent des postes de direction devraient être mieux payées que leurs employés. Certains dirigeants ne vont pas hésiter à très bien payer leur nouveau vice-président, mais hésiteront au contraire à bien rémunérer leurs développeurs informatiques. Peut-être serait-il intéressant alors de s’interroger sur la réelle valeur du travail et d’accorder une meilleure rémunération pour les postes qu’il est plus difficile de pourvoir en raison de la rareté de la main-d’oeuvre ou de leur difficulté ?

D. Instaurez une saine culture de gestion du temps

Sauf rares exceptions, peu de personnes qui avaient la chance de travailler pendant les confinements ont vu leur charge de travail diminuer. La grande majorité des gestionnaires, dirigeants ou employés avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger ont fait état de l’augmentation de leur charge de travail, menant parfois jusqu’à l’épuisement.

Je vous invite à considérer une piste de réflexion. Nous pouvons avoir tendance à nous ajouter nous-mêmes de nouvelles tâches, parce que l’on trouve que tel produit serait plus beau, que tel processus serait plus fonctionnel… Et cela sans nécessairement nous poser la question suivante : parmi toutes les tâches et activités que nous avons à faire, quelles sont celles qui ont une réelle valeur ajoutée pour les clients et qui sont totalement alignées avec nos orientations stratégiques ?

En faisant la chasse aux activités sans valeur ajoutée, vous aiderez votre équipe à revenir à un temps de travail acceptable et à diminuer leur stress, et contribuerez ainsi à leur bien-être.

Conclusion

Faire en sorte que vos équipes se sentent bien au travail ne devrait désormais plus être un voeu pieux, mais s’accompagner d’engagements clairs et concrets. La fébrilité que l’on perçoit avec le retour au bureau, la possibilité d’un nouveau confinement ainsi que la difficulté à recruter les talents sont des signes qui militent en faveur d’une meilleure prise en considération des besoins des employés. Les façons d’y arriver sont nombreuses, et rien ne vous empêche de trouver un nouvel équilibre avec vos enjeux organisationnels et d’affaires pour assurer la pérennité de votre entreprise.


Anne-Laure Marcadet